Un engagement bénévole dans une maison de repos durant la pandémie ...
Rencontre avec Claire GOETHALS ; entretien mené par Denis OLIVIER le 28-01-2021.
Lors du premier confinement, Claire a apporté un soutien bénévole au sein d’une maison de repos de la commune.
Elle a été contactée par un voisin, David LARIVIERE, qui recherchait des bénévoles pour soutenir une équipe d’animation dans une maison de repos de Ittre, dès le mois de mars 2020, durant le premier confinement, au moment où les résidents ne recevaient plus aucune visite. Claire a répondu à l’appel parce qu’elle ne voulait pas rester inactive face aux problèmes et à l’isolement que suscitait la pandémie.La situation d’ « enfermement » que vivaient ces personnes âgées la touchaient spécialement. Elle était bien consciente qu’elle allait vivre ce que leurs familles ne pouvaient pas. En allant trois après-midi par semaine, elle rencontrait une petite dizaine de personnes, toujours les mêmes, afin de ne pas prendre de risque au niveau de la contamination, ce qui lui permettait aussi de tisser des liens plus approfondis.
Au départ, au mois d’avril, Claire allait voir ces personnes dans leur chambre, elles ne pouvaient en sortir, qu’accompagnées. Au niveau sécurité sanitaire, chaque bénévole devait contrôler sa température en arrivant, garder son masque, se vêtir d’une blouse de l’établissement, se laver les mains très régulièrement… Ces résidents n’étaient donc en contact direct qu’avec le personnel soignant et le personnel d’animation. Le personnel soignant de la résidence a d’abord été inquiet que ces visites ne favorisent la contagion, mais le directeur et l’équipe d’animation soutenaient cette initiative et, assez rapidement, le personnel a accueilli avec enthousiasme le projet car il sentait que les résidents étaient en détresse, avaient besoin de contacts et de distractions. Il s’agissait, alors, de visites individuelles, dans la chambre de la personne âgée.
Claire est conteuse de formation, et, naturellement, les histoires sont venues dans la rencontre, des histoires qui lui étaient inspirées pa r la rencontre en cours. Au départ, Claire a simplement discuté avec chaque résidente, et, petit à petit, elle a inséré sa pratique du conte dans la rencontre. Il était aussi possible d’aller marcher quelques pas dans le jardin ou de pousser la chaise roulante, en discutant, en leur permettant de prendre l’air et de sortir de l’enfermement qu’elles vivaient. Une résidente, ancienne directrice d’école, se sentait comme vivant à l’internat, à l’école, où, dès qu’on ne respecte pas les consignes de confinement, on se fait gronder. Il faut préciser que ce sentiment était d’autant plus renforcé que le personnel vivait dans la peur de la contagion. Certaines résidentes avaient aussi l’impression de ne plus exister pour personne,d’être coupées du reste de la société et d’être oubliées. Les résidentes exprimaient aussi le manque de gymnastique, d’effort physique, les séances habituelles avaient été supprimées. Elles ressentaient le besoin de bouger et avaient peur que leur corps ne s’encroûte.
Lorsque les réunions ont été permises, à nouveau, dans un petit salon, ces résidentes, puisqu’il ne s’agissait que de femmes, ont demandé à Claire d’animer ce lieu. Elles entendaient mal et les sujets de conversation étaient assez pauvres vu le peu de nouveauté dans ce quotidien de pandémie. Claire a donc organisé un moment de rencontre autour du conte et des histoires. Il y avait une dizaine de résidentes réunies à distance.
Claire faisait, d’abord, un tour de parole, attentive à l’expression de chacune ; petit bonheur, petit souvenir, anecdote étaient partagés… Ensuite, elle proposait un moment de relaxation au travers d’une histoire en lien avec un travail sur le corps. Pour suivre, elle racontait un conte traditionnel en lien avec une thématique. Enfin, elle proposait aux résidentes d’inventer elles-mêmes une histoire, avec comme finalités l’expression personnelle, le développement de l’imaginaire et le plaisir qu’on peut vivre au travers de celles-ci. Il y eu de nombreux fous-rires libérateurs avec des histoires où l’imaginaire des résidentes se révélait et contrait leur sentiment d’enfermement. Le voyage faisait partie de leurs rencontres. Il lui importait aussi que se construise une histoire avec l’aide de toutes les résidentes, afin que la parole de chacune soit reconnue et qu’elle élabore un contenu commun.
Claire a donc pu mettre en place cette dynamique narrative avec les résidentes qu’elle rencontrait. D’autres bénévoles vivaient leur rencontre à leur façon avec d’autres personnes âgées qui étaient moins mobiles et avec lesquelles la simple présence du bénévole constituait l’accroche, ou le chant, ou un léger contact sur la main…, tout ce qui permettait de leur faire sentir qu’elles n’étaient pas seules.
Ce système de bénévoles a profité du fait que cette maison de repos possédait une équipe d’animation composée de kinés, de logopèdes qui ne pensent pas qu’à leur travail, mais aussi à nourrir le « vivant » des personnes âgées. De plus, dans cette maison, il n’y a pas eu beaucoup de décès liés à la COVID-19 ; ceux-ci ont eu lieu durant le premier confinement. Les résidentes rencontrées ont exprimés souvent qu’elles n’avaient pas envie de mourir de cette pandémie, elles voulaient vivre. La mort et la maladie étaient comme des fantômes qui rôdaient dans la maison… Beaucoup de résidents étaient proches de la dépression.
Claire s’est rendue, trois fois par semaine, dans la maison de repos, jusque mi-juillet. Les contacts sont revenus, avec les familles, petit à petit, mais de manière très cadrée, avec une seule personne, et sans permettre aux personnes âgées de sortir de la maison pour se rendre chez leurs proches.
Par rapport aux mesures COVID mises en pratique dans la maison de repos, Claire souligne les différents points de vue en présence, celui du personnel soignant qui met tout en place pour éviter la contagion en faisant preuve d’autorité, par peur que l’épidémie ne se déclare dans la maison , et le point de vue de l’équipe d’animation qui travaille plus l’humanisation et veille à nourrir le lien social. Or, dans cette maison de repos, il y avait une réelle volonté d’équilibrer ces deux points de vue. Le personnel soignant était content d’entendre les rires des résidentes lors des animations, la vie revenait à leurs yeux, provenant de l’extérieur, alors que ce personnel était débordé par les soins et l’application des mesures de sécurité sanitaire. Cette crise, dans cette maison, a mis en exergue l’importance de l’humain ; il est à noter que cette maison de repos a des moyens financiers et humains confortables.
A la suite de ces animations, Claire, qui fait partie de l’association HOPI’CONTE, a pu continuer à proposer ces animations à la maison de repos, une fois par mois, à partir du mois d’août, au travers d’un contrat entre les deux institutions. De plus, Claire continue aussi à visiter certaines résidentes, en particulier, en dehors du projet des contes.
En décembre, de nouveaux bénévoles ont été recherchés pour aller chercher les personnes âgées dans leur chambre et les amener, en bas, pour les visites qu’elles reçoivent. Les visites en chambre sont encore interdites. Tout se négocie avec la Direction et l’équipe d’animation de la maison de repos ; chaque bénévole doit se présenter et expliquer ses motivations. Pour cette seconde fournée de bénévoles, les personnes âgées sont en général très contentes d’être accompagnées, pendant le trajet entre leur chambre et la pièce de visite. Certaines peuvent être stressées, inquiètes, se demandant comment vont se passer ces retrouvailles. Mais quel bonheur pour elles !
Les résidents des maisons de repos, comme tout être humain, ont besoin de liens sociaux. En leur rendant visite, nous apprenons aussi la sagesse d’un rythme plus lent !